Événements | 12 mars 2019

Colloque - "De qui Dieu est-il le Nom ? Penser et communiquer le divin"

Dates : du lundi 11 au vendredi 15 mars 2019

Lieu : Abidjan, UCAO/UUA

Répondre à la question « qui ? », disait Paul Ricœur dans Temps et récit, c’est raconter l’histoire d’une vie ; histoire, temps et vie étant pour lui des notions connexes, des expériences proprement humaines. Seul l’homme peut inscrire son histoire dans le temps, car lui seul a un rapport personnel au temps. Ainsi circonscrite à la seule dimension humaine, la question « qui ? » ôte à tout autre être la capacité à se poser comme sujet de sa vie, sujet de son histoire.

La grammaire française, non négligée dans la philosophie analytique, ne nous apprend-elle pas qu’au pronom interrogatif « qui ? » répond le sujet humain et qu’au contraire à celle du « quoi ? » répondent les objets ? Si la question « qui ? » renvoie à l’humaine condition, c'est-à-dire à cette existence marquée par la volonté, par l’auto-détermination, par la possibilité de dire et de se dire, de se raconter, inscrivant ainsi son histoire dans le temps, que nous dit-elle de Dieu lorsqu’elle se rapporte à Lui, alors même qu’on Le nomme hors du temps, hors de l’histoire et incapable de se dire, si ce n’est encore qu’à travers la parole humaine ?

« De qui Dieu est-il le nom ? » Poser cette question, c’est engager la pensée humaine à investir la longue histoire du rapport qui s’est noué depuis l’aube des temps entre le divin et l’humain. Dès qu’il commença d’exister, l’homme se posa la question des dieux, de leur nature, de leur vie, etc. On rappellera avec intérêt comment la mythologie grecque était peuplée des dieux ; des dieux qui n’avaient de cesse de lutter contre les hommes, ne tolérant de leur part aucune velléité à la divinisation. Ces dieux, dont la vie morale laissait à désirer, comme on peut le lire chez les poètes, ont fait objet de critiques et même de dérision de la part des philosophes. Ce qui s’entend dans la mise au point critériologique (Philippe Capelle-Dumont) de Socrate dans La République de Platon : « il faut toujours représenter Dieu tel qu’il est, quel que soit le genre de poésie, épique, lyrique ou tragique où on le mette en scène ». D’après le philosophe inventeur du terme theologia, employé de manière péjorative pour désigner l’ensemble des histoires et des légendes racontées sur les dieux, le logos sur le divin ne doit être que l’affaire de la seule pensée rationnelle.

Ce qui est ici en jeu, c’est la connaissance de Dieu dans sa vérité. Mais de quelle vérité cette connaissance relève-t-elle ? La philosophie est-elle capable de parvenir à l’essence et à l’existence véritables de Dieu sans s’ouvrir à sa Révélation, c’est-à-dire aux traces de sa manifestation historique dans le monde ? La question se pose d’autant plus que, bien qu’on parle de manière indistincte « du Dieu des philosophes », selon l’expression pascalienne, il n’y a pas d’unité du discours philosophique sur la question du divin. En effet, quel lien trouve-t-on, par exemple entre le Dieu de la métaphysique et celui des penseurs pragmatiques tel Williams James pour qui Dieu ne peut se dire sans une expérience concrète de son être et de son action ? Ou encore quels accords peut-on établir entre les conceptions transcendantes du divin et celles qui réclament son immanence ?

Enfin, la figure du Dieu personnel des mystiques, saurait-elle s’identifier au Dieu-Etre et Principe des choses de la philosophie néoplatonicienne ? Ces interrogations montrent la complexité de la question de Dieu et de la possibilité de le penser. Cette difficulté gnoséologique se double de celles, concrètes, que l’on trouve sur le terrain des pratiques religieuses où le Nom de Dieu est convoqué et paradoxalement invoqué pour des causes ou des situations contrastées : aimer son prochain et le tuer (les Croisades, le Djihad) ; défendre d’un côté l’unicité de Dieu et affirmer de l’autre la pluralité des religions ; s’attacher à la fois à des dogmes fermement établis et vouloir penser librement sa foi ; soutenir la liberté religieuse et établir des critères et des codes de vérité à partir des religions ; admettre que Dieu est la source de tout bien et ne point fonder les sciences économiques sur des préceptes religieux ; enfin, faire du prosélytisme ou soutenir que Dieu relève de la sphère du privé, etc.

Ces paradoxes du discours sur Dieu comme ceux, nombreux, de la pratique religieuse, loin de réduire la pensée au silence, l’exige. En effet, si Dieu se pose comme objet de foi, l’intelligibilité de celle-ci fait de Lui également un objet de réflexion.

Aussi sommes-nous invités durant ce colloque, à travers une démarche synergique et de manière interdisciplinaire, à investir non seulement la question de la pensabilité de Dieu (sa connaissabilité ou son inconnaissabilité, la pluralité de ses figures) mais aussi celle des lieux et pratiques où Dieu s’invite, mieux encore où la parole humaine l’évoque, le convoque, et l’invoque.

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